Quand tout vacille

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Quand tout vacille

Bouleversements
Ces moments où la maladie, la maternité ou la perte d’un emploi effacent les repères et bouleversent une vie, laissant place à une vulnérabilité profonde. Témoignages.

La foi face à l’épreuve

Touché par un cancer, Carmelo Catalfamo a traversé la maladie sans que sa foi vacille.

CHOC Il y a trois ans, le verdict tombe : cancer de la vessie. Pour le pasteur de Bienne au parcours de vie exemplaire, l’annonce est un séisme. Lui qui n’a jamais été hospitalisé et dont l’hygiène de vie est irréprochable doit affronter l’inattendu. Son corps, qu’il croyait solide, lui rappelle sa fragilité

Le choc survient un Jeudi saint, quelques jours après une première alerte – des urines rouge-brun – qu’il attribue à une réaction bénigne. Il faut se rendre à l’évidence: la maladie est bien là. L’épreuve commence. Pendant deux ans, Carmelo Catalfamo subit trois séries de traitements lourds, une trentaine d’injections via l’urètre. Une torture physique et morale, où il découvre dans sa chair la vulnérabilité humaine. Face à ce combat, il réagit avec pragmatisme: «Maintenant je sais, alors on attaque!» Mais l’homme de foi s’interroge. Pourquoi lui? Sa relation avec Dieu vacille-t-elle? Non. Car il sait que l’homme est fragile. «Ma foi n’a pas été ébranlée. Je suis venu à elle par un chemin de lucidité.» Les dernières analyses ne contiennent plus de cellules cancéreuses. Malgré tout, l’épreuve laisse une empreinte indélébile. Sous surveillance médicale, il vit avec cette tension latente, cette attente des résultats. Pourtant, une certitude demeure: il ne veut pas vivre plus intensément, mais plus profondément. Car l’expérience de la fragilité est aussi une redécouverte de l’essentiel.

Quand la maternité tangue

Somalia Vasquez rêvait d’être une mère parfaite. La maternité l’a plongée dans l’épuisement et l’isolement.

ANGOISSE Quand elle met au monde sa fille, Somalia Vasquez s’attend à incarner la mère idéale. Très vite, tout chancelle. «J’avais l’impression que l’on attendait quelque chose de moi, que je devais être une mère forte.» L’image qu’elle s’était construite se heurte à une réalité brutale: la fatigue l’écrase, les invitations s’imposent, l’intimité disparaît. «Je n’osais pas dire non aux visites, pas dire que j’étais épuisée. On me rappelait tout ce que j’avais, tout ce qui allait bien. Personne n’a su voir ce que je traversais.» 

Les jours passent et, avec eux, les doutes grandissent. Pression, fatigue accumulée, impossibilité d’exprimer son mal-être: tout s’est entremêlé jusqu’à la rupture. Chaque geste devient une source d’angoisse: dort-elle assez? Mange-t-elle bien? «Dans ma culture, une mère doit être inébranlable, tout assumer sans se plaindre. Mais moi, j’avais juste besoin qu’on me dise ‹ce n’est pas grave›.» 

Loin du soutien espéré, elle a trouvé une incompréhension teintée de jugements. «Ma mère et ma belle-mère ont connu des épreuves bien plus dures, elles ont avancé sans se plaindre. Pour elles, la souffrance maternelle n’existait pas.» Pourtant, Somalia a fini par briser le silence, renouant avec elle-même et son rôle de mère à travers une thérapie. «Je ne veux pas être une héroïne parfaite. Juste une mère présente, à l’écoute de son enfant… et d’elle-même.»

Comme une gamine

Caroline (nom d’emprunt) postule pour un job de spécialiste en communication et se retrouve à réaliser des travaux de saisie ne lui laissant aucune créativité.

PRESSION «Au cours du processus d’engagement, j’ai passé un test durant lequel j’ai dû préparer un certain nombre de documents», détaille la Lausannoise. Des productions dans les cordes de cette chargée de communication expérimentée. Si bien qu’elle n’a pas demandé son cahier des charges avant son entrée en fonction. 

«Je me suis rendu compte qu’en réalité mon poste comprenait énormément de tâches administratives et de simples mises à jour de documents. Le gros de mes tâches n’avait pas grand-chose à voir avec un poste de chargée de communication.» S’ajoute le fait qu’elle a été engagée à 80% pour remplacer une personne qui travaillait à plein temps. Malgré le stress, elle accomplit son travail de façon satisfaisante durant plus d’un an. Jusqu’à sa convocation, à l’automne 2024, pour lui reprocher le temps qu’elle consacre à quelques rares communiqués et vidéos. «On m’a dit que je ne travaillais pas assez vite, que je ne savais pas prioriser mes tâches. J’ai été réprimandée comme une gamine.» 

Dès ce moment, le moindre détail lui est reproché jusqu’au licenciement juste avant Noël. «Ma supérieure a amplifié des plaintes. Qualifiant, par exemple, d’erreurs des choix différents de ce qu’elle aurait fait. Je pense que pour elle le licenciement est rapidement devenu une évidence», relate-t-elle. Pour Caroline, «Ma cheffe était aussi sous pressions. Elle a fait d’un problème structurel un problème de personne.»