
Que reste-t-il d’Albert Schweitzer?
C’est une petite maison cachée sous une épaisse couche de lierre rouge. Elle trône au milieu de son village de Gunsbach, dans la vallée de Munster. Cela fait longtemps qu’elle n’est plus habitée. En 1929, celui qui est aussi pasteur l’inaugure en tant que pied-à-terre pour quand il n’est pas dans son hôpital à Lambaréné, au Gabon.
Aujourd’hui, la Maison Albert Schweitzer est un musée. En ce soir de février, elle grouille de la foule venue assister à une soirée dédiée au plus célèbre des Alsaciens. Les auteurs de Mon Schweitzer viennent présenter leur livre – 16 récits, 80 témoignages et 15 QR Codes –, qui recense des témoignages d’Alsaciens et leurs liens avec lui. Son impact est encore très tangible. «A chacun de ses passages à Gunsbach, Albert Schweitzer commandait du kougelhopf à mon père», raconte ce pâtissier. «En 1955, je l’ai rencontré dans sa maison. J’étais gamine. J’ai été impressionnée par sa taille et son empathie», se souvient cette professeure retraitée. Tous ont été ou sont touchés dans leur quotidien par le grand médecin, et parmi eux, mêmes des jeunes. Pour Francis Guthleben, coauteur du livre, atteindre les nouvelles générations avec l’œuvre de Schweitzer est essentiel. Il a rassemblé un grand nombre d’archives sonores pour les poster sur TikTok.
La ville du Grand Blanc
Ainsi, à Lambaréné, là où Schweitzer a passé plus de la moitié de sa vie au chevet de ses patients, «son» hôpital tourne encore. Roland Wolf, président de l’association allemande de soutien à l’hôpital Schweitzer, en revient justement. «Albert Schweitzer est un nom qui est resté dans les mémoires là-bas. Chaque fois que l’on parle de Lambaréné, c’est en tant que ‹ville du Grand Blanc›. L’hôpital tourne grâce aux dons d’associations et de philantropes, en tout cas pour l’instant. Chaque année, il doit y avoir des factures pour un million d’euros qui ne sont pas payées», déplore Roland Wolf. «Les gens les plus démunis viennent à Schweitzer et on ne les force pas à payer. Alors, il y a beaucoup de problèmes financiers.»
A Vevey, l’Association de l’œuvre d’Albert Schweitzer continue à faire prospérer son projet de soins accessibles à tous. Des hôpitaux Albert-Schweitzer ont ouvert en Inde, en Haïti et au Pérou. Pour la famille Randin, qui fait vivre l’association à l’étranger, mais également en Suisse, il est important de continuer à faire perdurer sa doctrine du «respect de la vie». «Il a été le pionnier de la coopération au développement, de l’action humanitaire», explique Willy Randin, également fondateur de l’organisation Nouvelle Planète. «Il incarne aussi une pensée tellement actuelle qui appelle à se détacher du superflu pour retrouver un équilibre avec la nature.» Avec le soutien de l’association basée à Vevey, d’autres projets s’inscrivant dans la lignée de ces idées ont pu se développer. Des écoles ont vu le jour au Kenya, aux Philippines et au Burkina Faso.
Tout au long de cette année festive, des conférences, ateliers et rencontres sont organisés dans la Maison Albert Schweitzer afin de continuer à faire vivre son héritage, et ce à côté de l’exposition permanente. De nombreuses archives – papier ou audiovisuelles – racontent la vie de Schweitzer. Depuis l’ouverture du musée, en 1967, le public ne tarit pas. En 2023, ils étaient 6500 à faire le trajet jusqu’à Gunsbach.
Côté pratique
Mon Schweitzer, ouvrage collaboratif, Reber Editions, 2024, 134 p. Disponible sur www.schweitzer.org.
Maison Albert Schweitzer, rue de Munster 8, 68140 Gunsbach. Ouverte du mardi au samedi jusqu’au 23 décembre (également les dimanches de juin à septembre). Tel: 0033 389 77 31 42.