Des «référents spirituels» à domicile pour apaiser l'âme des seniors

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Des «référents spirituels» à domicile pour apaiser l'âme des seniors

Face à l'isolement et aux questionnements existentiels des personnes âgées bénéficiant de soins à domicile à travers le canton, un projet pilote du programme Vieillir2030 identifie actuellement leurs besoins spirituels, apparemment nombreux.

«Selon une recherche de l’UNIL, 20% des personnes bénéficiant de soins à domicile souffriraient d'isolement», note Rachel Démolis, anthropologue active à la Haute école de santé Vaud (HESAV). Elle ajoute que ces personnes rencontrent de nombreuses problématiques souvent spécifiques à leur âge comme «la retraite, la perte de proches, ou la survenue de pathologies». Pour la chercheuse, il est donc «primordial de pouvoir offrir quelque chose qui irait plus loin qu'un accompagnement psychologique, d'autant que le personnel soignant se dit trop peu formé et manque de temps pour aborder des questionnements existentiels» avec ceux qui en manifestent le besoin.   

Une situation que Laurence Pesenti rencontre souvent en tant qu’accompagnante spirituelle catholique en EMS: «Les personnes âgées peuvent souffrir de perturbations liées au sens de la vie, à la transcendance, à leur identité ou leur entourage». Elle précise que «la fin de vie soulève en elles des questionnements profonds, voire des peurs», qui peuvent notamment être exacerbées lorsque l’intervention d’Exit est demandée. Et de souligner que, conformément à la politique sanitaire du canton, «de plus en plus de personnes âgées restent à domicile plus longtemps, ce qui pose de nouveaux défis en matière d’accompagnement spirituel et existentiel». 

CMS et Soins volants

Depuis juin 2024, Laurence Pesenti participe donc à l'un des quarante projets pilotes du programme Vieillir2030, mis en place par le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) pour élaborer une nouvelle stratégie en matière de vieillissement. Ce projet particulier, qui vise à «déterminer quel dispositif pourrait répondre au mieux aux interrogations spirituelles des seniors du canton», implique actuellement 45 membres du personnel des organisations de soins à domicile de Renens et Cully (CMS), ainsi que de l'entreprise Les Soins Volants, de Lausanne à Aigle. 

Ces soignants ont ainsi été formés pour identifier les besoins d’écoute spirituelle auprès de 1000 personnes âgées bénéficiant de l'aide à domicile proposée par ces structures. Financé à hauteur de 350 000 francs par l'État, le projet est porté par l’HESAV, le Conseil cantonal de l'aumônerie œcuménique des établissements médico-sociaux (CADEMS) qui a mis deux «référentes spirituelles» à sa disposition et l’Institut de sciences sociales des religions (ISSR).

Le psychologue des religions Pierre-Yves Brandt analyse cette opération-test depuis l'UNIL: «Nous avons scientifiquement observé une déconnexion croissante entre les personnes âgées et les structures religieuses traditionnelles, car les paroisses ont perdu leur rôle de visite à domicile par manque de contact avec la population. Toutefois, leurs besoins en matière d’écoute spirituelle demeurent». Laurence Pesenti ajoute que la cartographie qui s’opère actuellement concerne toutes les religions. Les deux référentes spirituelles sont en effet «habilitées à contacter d’autres partenaires, religieux ou non». 

Du côté du canton, la cheffe du DSAS Rebecca Ruiz se félicite que «cet accompagnement prenne en considération les détresses spirituelles causées par des temps d'épreuve comme la maladie ou la souffrance». Selon elle, la mission est ici «complémentaire à celle des Eglises, dans la mesure où les personnes visées ne font pas ou plus partie d'une communauté ecclésiale». Un rapport intermédiaire est attendu par l'Etat en juin prochain. Le projet pilote doit durer jusqu'à fin 2026. «Nous déciderons alors si cette offre doit être pérennisée dans sa forme actuelle», conclut la conseillère d’Etat.